mercredi 11 janvier 2012

Dress Code

Un jour, un collègue m'a dit, au détour de la photocopieuse:
"T'as mis un jean aujourd'hui! Je t'avais pas reconnue sans ta jupe et tes talons."
Outre le machisme sous-jacent que je me suis efforcée de ne pas voir dans cette remarque (je suis méconnaissable sans mon attirail féminin?), il faut bien avouer que je me suis forcé à adopter un style vestimentaire résolument mature dans mes premiers temps de profs. Dans mon cas, ça a été spontané puisque ça m'a aidé à affirmer ma présence face aux élèves (et puis bon, je suis un peu superficielle aussi, il faut l'avouer), mais j'ai appris que certains collègues n'avaient pas eu le choix. En témoigne un collègue interpellé par le principal:

"Faites un effort avec vos vêtements, on vous confond avec un élève."
Mon collègue porte la barbe et dépasse tous les élèves d'une tête.

Question d'une mauvaise prof: qui ça, on? Les élèves? Ils me semblent qu'ils ne lui ont pas manqué de respect et que pour eux c'est assez clair qu'il a plus de 13 ans. Les parents? Ils accorderaient donc plus d'importance au look du prof qu'au contenu du classeur. Les autres professeurs? Soyons sérieux...
Donc ça dérange les personnes extérieures. Cher monsieur, vous nuisez à l'image de la profession et de l'établissement, cachez ce jean et ces baskets que je ne saurais voir...

Vous riez? Écoutez donc le discours des inspecteurs dans certaines académies:
"Un bon professeur ne vient pas donner ses cours en jean. C'est une marque de respect pour les élèves."

Soit. Je suis une mauvaise prof. Chers élèves, veuillez pardonner mon Jean irrespectueux et mes basket insultantes.

Quoi qu'il en soit, j'ai pour ma part décidé de prendre le parti inverse: voici comment vous me verrez habillée devant mes élèves cet hiver:

Ça c'est sûr, on ne risque pas de me confondre avec une élève. L'excentricité ne me fait pas peur: à moi les collants flashy, les mini-jupes et les frous-frous, les gros bijoux fantaisie, les vestes (de tailleur, s'il vous plaît) customisées à grand coups de broches démesurées et de broderies perso et même les chapeaux l'hiver.

Je ne suis pas sûre que c'est ce que le bannissement du Jean-de-prof attendait comme résultat.

Je n'ai jamais eu de remarque de ma hiérarchie. J'imagine qu'une prof de lettre doit porter assez bien un côté un peu illuminé.

Par contre, mes élèves adorent. Ils n'écoutent rien de ce que je leur dis mais passent leur temps à détailler ma tenue jusque dans ses moindres détails. Morceaux choisis:

- Madame, vous êtes très en beauté aujourd'hui!
Mélu
: Ce compliment ne te dispensera pas de rendre ta punition.
- Madame, j'adore vos boucles d'oreilles!
Mélu: Quel rapport avec le poème?
- Madame, vous faites la journée chic, vous? Enfin pas besoin, vous êtes chic tout le temps!
Mélu:
J'ai déjà corrigé ta copie, tu sais?
Si seulement je pouvais leur inculquer un peu d'élégance ou d'originalité vestimentaire... Nan parce que si le jean basket fait aussi D'jeuns, c'est parce qu'il est difficile de trouver un élève qui ne souscrive pas à ce sine qua non. Peut-être parce que leurs tentatives d'originalités suivent des modes fulgurantes et éphémères qui m'ont parfois fait mal aux yeux.

Petit exemple: cet hiver, la mode est à ça:
Filles comme garçons portent fièrement la chapka, et l'ont même gardée pour courir le cross du collège. Ils se sont cependant vite rendus compte que ce n'était pas très pratique lorsqu'il ne fait pas - 50°C dehors, et qu'en plus, la fourrure, ça gratte.

Et je ne vous parle pas des shorts ras-le-bazar de cet été pour lesquels il a fallu renvoyer des élèves de changer chez elles, ou des chapelets en plastiques dont ils ignorent totalement la signification mais qu'ils enroulent autour de leur cou.

Cette année, j'ai tout de même un sérieux concurrent: un de mes élèves accorde systématiquement la couleur de ses chaussures, son t-shirt, son sac et son caleçon (visible grâce à la mode qui consiste à le faire dépasser). Je compte pour essayer d'avoir une idée de l'étendue de sa garde-robe.

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